Il ne s'agit pas ici d'examiner la chronologie de telle ou telle forme. L'inventaire fournit les indications chronologiques connues pour chaque contexte ainsi que les datations proposées pour les céramiques mentionnées à titre de comparaison. Dans ce chapitre, il a semblé préférable de dégager les tendances des principaux caractères morphologiques ou techniques, cela pour chacune des catégories comprenant un nombre suffisant d'individus. C'est pourquoi, nous avons eu recours à l'analyse factorielle des correspondances appliquée à un tableau de contingence. Les modalités du caractère "datation" se placent en colonne et celles des caractères descriptifs en ligne. Chaque case indique la fréquence d'une modalité (ligne) à une époque (colonne). Le nombre insuffisant de céramiques datées, surtout aux périodes extrêmes, diminue la portée des résultats obtenus. La méthode semble cependant satisfaisante.
La représentation graphique des deux premiers facteurs montre que le nuage de points forme un croissant. A l'intérieur, les points représentant les datations s'ordonnent de gauche à droite. Cet effet caractérise une structure d'ordre, ce qui, dans le cas d'une évolution chronologique parait normal. Le premier facteur (axe 1) oppose les productions précoces aux productions tardives. Vers la droite du nuage, se trouvent les céramiques précoces, grises fumigées ou noires, avec leur surface polie et la présence d'un bord autre que roulé ou épaissi à l'extérieur. Vers la gauche (datations tardives), les caractères sont ceux des assiettes à pâte jaune revêtue d'une couverte rouge interne. Souvent ces assiettes possèdent, sur le fond, une couronne guillochée, une base annulaire et parfois une assise avec anneaux porteurs. Le mode de cuisson, traduit par la couleur, semble être le caractère déterminant de cet axe.
Le deuxième facteur, aux autres périodes, oppose le IIe siècle auquel correspondent des caractères qui définissent des céramiques de fabrication peu soignée : aspect grossier ou très grossier, surface brute... Vers le haut, se trouvent au contraire les descripteurs des céramiques soignées : aspect fin ou très fin, couverte rouge, surface polie... C'est par conséquent la qualité du travail qui détermine cet axe.
La forme des parois n'est pas significative sur le plan chronologique. La présence d'un bord, avec quelques restrictions pour les bords roulés, épaissis à l'extérieur ou rentrants, indique une production précoce. Ces derniers se trouvent également au IIe siècle. Le bord horizontal externe, fréquent durant tout le premier siècle, prend une part importante à la contribution du X2.
Bien que présente à toutes les époques, la base portante, plus fréquente au IIe siècle, devient plus rare au IIIe siècle lorsque la base annulaire se développe. La base en couronne (point hors limite) n'est fréquente que sur les assiettes précoces de la famille 600. Les autres types de base se rencontrent de façon sporadique du milieu du Ier à la fin du IIIe siècle.
Les formes de l'assise s'ordonnent assez bien le long de l'axe 1. L'assise plane existe à toutes les époques avec une légère attirance vers le IIe siècle. Elle se raréfie au IIIe siècle en raison de la fréquence, à cette époque, des assises avec anneaux porteurs pratiquement absents jusque là (2 cas seulement au IIe siècle). Les assises tournées, fréquentes au IIe siècle perdurent au IIIe siècle.
Les modalités définissant l'aspect de la pâte s'ordonnent le long de l'axe 2. Les pâtes très grossières se rapportent uniquement au IIe siècle et les pâtes grossières dominent largement à cette époque. Les pâtes définies par le descripteur "moyen" se trouvent surtout dans la seconde moitié du Ier siècle. Les pâtes fines se partagent entre les périodes précoces et surtout tardives. Il est possible que l'absence d'assiettes de fabrication soignée s'explique par l'abondance de vaisselle de table en céramique sigillée entre le milieu du Ier et la fin du IIe siècle.
Les couleurs foncées (cuisson de type B), largement dominantes au Ier siècle, s'opposent aux couleurs claires fréquentes aux périodes postérieures : orange au IIe siècle, jaune ou brique plus tard.
La surface polie ne se rencontre guère qu'au Ier siècle. A l'opposé, les assiettes à couverte rouge apparaissent dans la seconde moitié du IIe siècle et se rencontrent surtout au IIIe siècle. D'autres types de revêtement de surface sont faiblement représentés dans la seconde moitié du Ier siècle et au IIe siècle.
Les caractéristiques des assiettes précoces, généralement cuites selon le mode B, dénotent un soin certain apporté à leur fabrication. Les formes s'inspirent de modèles italiques ; elles possèdent un bord et un pied en couronne. Assez rapidement, peut-être en raison de la diffusion de la céramique sigillée, un modèle plus sobre et moins soigné se substitue à l'assiette très plate. Ses proportions le situe entre l'assiette plate et l'écuelle commune à la Tène III. C'est au IIe siècle, alors que la céramique sigillée des ateliers du Centre est largement importée, que se développe l'assiette à base portante sans bord, toujours fabriquée dans une argile mal épurée. Dès la fin du IIe siècle, apparaissent de nouveaux modèles. En pâte fine, jaune ou orangée, avec parfois un noyau foncé, elles sont revêtues d'une couverte rouge et possèdent une assise tournée ou munie d'anneaux porteurs. Après le milieu du IIIe siècle, les assiettes se raréfient.
Sur la représentation graphique des deux premiers facteurs de l'analyse factorielle des correspondances (fig. 140), les points correspondant aux datations ne se répartis-sent pas aussi simplement que pour les assiettes. Ils s'organisent en triangle; à la pointe, à droite et légèrement isolés, se placent les points correspondant au gallo-romain précoce et à la première moitié du Ier siècle. Les autres points sont regroupés vers la gauche; celui correspondant au IIe siècle est nettement isolé vers le haut.
Cette disposition traduit une certaine complexité dans l'évolution des caractères et complique la compréhension du graphique. Il semble que les caractères techniques se rapportent à l'axe 1 et les caractères morphologiques à l'axe 2, à l'exception toutefois du caractère "forme des parois". Toujours est-il que l'on assiste à un éclatement en trois groupes: le premier correspond à la période antérieure au milieu du Ier siècle où se mêlent des céramiques très fines (noires, polies avec base annulaire) et des jattes grossières de tradition laténienne (base portante, surface peignée), Au second groupe, vers le centre et à gauche vers le bas, appartiennent les jattes de la seconde moitié du Ier siècle et celles postérieures au IIe siècle (céramique relativement soignées). Enfin les jattes grossières du IIe, isolées en haut et à gauche, se distinguent par la forme ovoïde de la panse (point hors limites). Le X2 élevé (474,9 pour une valeur limite de 340 au niveau p=0,005) indique que les différences observées sont très significatives.
La forme de la panse des jattes se décrit comme un volume simple ou comme une forme composée. Dans ce second cas, seule la forme des parois est discriminante. Les panses décrites par des volumes simples appartiennent surtout au IIe siècle (panse ovoïde) et au IIIe siècle (panse hémisphérique). Au contraire, les panses des jattes du Ier siècle sont décrites en indiquant la forme et la direction des parois. Ces dernières, généralement courbes, peuvent avoir un tendance rectiligne dans la première moitié du Ier siècle de notre ère.
Les jattes possèdent généralement un bord, en particulier au IIe siècle. Toutefois ce bord manque sur les exemplaires des IIIe et IVe siècles. Les bords épaissis à l'intérieur, sur les deux faces ou rentrants, communs sur les céramiques de la fin du IIe Age-du-Fer, subsistent jusque dans le milieu du Ier siècle de notre ère et se raréfient par la suite. Les autres formes de bords, sauf s'ils sont peu fréquents, se répartissent de façon homogène entre les différentes périodes.
La base partante, encore fréquente sous Auguste, est remplacée, au Ier siècle, par des bases annulaires. Les autres formes de bases, plus rares, appartiennent surtout au IIe et au IIIe siècle.
Les pâtes très grossières caractérisent les jattes précoces. Elles sont également communes au IIe siècle où elles côtoient les pâtes grossières. La qualité du choix ou du travail de l'argile s'améliore à partir du IIIe siècle mais les pâtes très fines n'existent que dans la première moitié du Ier siècle.
La couleur noire se rencontre sur les jattes précoces alors que les couleurs jaune, orangé ou brique sont plus fréquentes au IIe et au IIIe siècles. Les différences qui peuvent apparaître dans la répartition des autres couleurs ne sont pas significatives.
la seconde moitié où la surface reste généralement brute. Les surfaces avec revêtements argileux apparaissent vers la fin du IIe siècle et se développent au IIIe siècle.
Le décor poli se rencontre surtout au Ier siècle. Par la suite les décors restent rares, surtout au IIe siècle. Guillochis, impressions ou sillons ornent parfois quelques jattes tardives.
Au cours de la première moitié du Ier siècle, les descripteurs dominants rencontrés sur les jattes caractérisent des céramiques saignées: pâte très fine, foncée, polie en surface, présence d'un bord et d'une base annulaire. Toutefois, à ces céramiques probablement importées d'Auvergne ou de Saintonge, se mêlent des jattes très gros-sières, de fabrication locale, qui perpétuent les formes et les techniques de la Tène III. Dans la seconde moitié du Ier siècle, les produits deviennent plus homogènes mais leur qualité décline pour aboutir, au IIe siècle, à des céramiques grossières parmi lesquelles dominent les formes fermées. Au troisième siècle réapparaissent des vases de fabrication plus soignée à la surface souvent revêtue d'une couverte. Ce sont des formes ouvertes, généralement hémisphériques.
Sur la représentation graphique de l'analyse factorielle des correspondances les quatre modalités correspondant à la datation se répartissent en triangle. Les datations extrêmes, représentées seulement par quelques exemplaires, ne sont pas prises en compte. Toutefois, un premier calcul montrait que les pots antérieurs à 10 av. J.-C. et ceux postérieurs à la fin du IIIe siècle possédaient de nombreux points communs. Les points correspondant à ces deux périodes, très éloignés des autres, se plaçaient en haut de l'axe 2. Globalement, la disposition du nuage de points n'était pas modifiée mais la concentration de la majorité d'entre eux, près de l'origine des axes, compliquait la lecture du graphe. D'ailleurs, malgré la suppression des pots tardifs et très précoces, les points restent groupés dans la partie inférieure du graphe, près du centre, tout en s'étirant le long de l'axe 1.
Ce premier axe oppose les pots du IIe et du IIIe siècle. Aux premiers, correspondent un col rentrant et de faible hauteur, une surface brute, des décors à la molette ou des baguettes. Des décors guillochés ou gravés, une surface avec couverte et une encolure évasée caractérisent les seconds. L'axe 2 isole les pots du premier siècle en raison de la forme de la panse et, dans une moindre mesure, de l'aspect de la pâte. Le calcul du X2 montre que les différences observées dans la répartition des modalités des caractères morphologiques et techniques entre les diverses périodes sont très significatives (X2 = 280 alors que la valeur limite, au niveau p=0.005, est 209).
Toutefois, la forme du corps du vase n'est pas très significative. Tout au plus peut-on noter une fréquence plus élevée de pots dont la panse correspond à un volume simple à partir du IIe siècle. C'est en particulier le cas des panses sphériques, rares au Ier siècle, plus abondantes au IIe siècle.
La direction de l'encolure "indéterminée" s'applique à des pots qui possèdent une encolure très peu élevée rendant impossibilité l'évaluation de sa direction. Cette particularité apparaît à la fin du Ier siècle et devient fréquente au IIe siècle. Lorsque la direction de l'encolure est décrite, la modalité "rentrante" apparaît plus souvent au IIe siècle et "évasée" au IIIe siècle. L'encolure verticale se rencontre à toutes les périodes. A noter également la tendance de l'encolure à s'allonger à partir du IIIe siècle.
Les pots sans bord, relativement nombreux, se répartissent de façon homogène dans le temps ; c'est aussi le cas des bords épaissis à l'extérieur. Par contre les bords roulés ne se rencontrent qu'à partir du IIe siècle et semblent plus fréquents au IIIe siècle. Les bords horizontaux externes ou évasés sont plus rares. Les premiers se trouvent au Ier siècle et les autres au IIe siècle.
La forme de la base diffère de façon significative en fonction des époques. Les bases portantes, fréquentes au Ier siècle, deviennent plus rare au IIe siècle pour réapparaître au IIIe. Au IIe siècle, ce sont les bases étirées ou élargies qui sont les plus communes.
Les pâtes grossières et très grossières sont fréquentes au IIe siècle. Au contraire, les pâtes très fines caractérisent les pots du premier siècle. Les pâtes fines se partagent entre le premier et le IIIe siècle où les pâtes à inclusions de grosseur moyenne dominent.
Il n'est pas possible, pour les pots, de dégager une évolution liée au mode de cuisson comme le montre par exemple l'opposition entre le noir et le gris. Par contre, des différences significatives existent entre les teintes appartenant à un même mode de cuisson : couleur brique au IIIe siècle, orangée au IIe, noire au Ier et au IIIe, grise au IIe.
Parmi les modes de traitement de la surface les plus communs, on observe une forte liaison entre la surface brute et le IIe siècle, de même qu'entre la couverte rouge et le IIIe siècle. Les vases avec couverte autre que rouge se partagent entre le Ier et le IIIe siècle. Les surfaces simplement engobées existent au IIe et au IIIe siècle.
La répartition des décors est significative. A l'exception de l'absence de décor, caractéristique commune à toutes les périodes, chaque mode de décor appartient à une, parfois à deux périodes. Au Ier siècle, et plus particulièrement dans la seconde moitié, le décor à la barbotine domine. Le décor à la molette se trouve principalement au IIe siècle et le décor guilloché au IIIe siècle. Le décor poli se partage entre le Ier et le IIe siècle et les sillons entre le Ier et le IIIe siècle.
Ainsi, les pots du Ier siècle, qu'ils datent de la première ou de la seconde moitié, appartiennent à des productions soignées comportant une panse ovoïde ou elliptique allongée et une base portante. Le IIe siècle, au contraire, se distingue par la présence de pots grossiers à surface brute, généralement de couleur grise ou orangée ; Ils sont munis d'une panse sphérique surmontée d'une encolure rentrante ou verticale et d'une base élargie ou étirée puis élargie. Au troisième siècle on observe un retour à des productions plus soignées : aspect moyen ou fin, surface enduite. Par contre, les caractères morphologiques sont moins caractéristiques. Seules la panse elliptique aplatie et l'encolure évasée se rencontrent plus fréquemment à cette période.
Sur le graphique représentant les deux principaux facteurs de l'analyse factorielle des correspondances, le nuage de points forme un triangle dont la pointe, à droite, est formée par quelques points isolés. Sur l'axe 1, ce sont les descripteurs particuliers aux bouteilles du Ier siècle qui s'opposent à ceux des autres périodes. Les bouteilles du IIe siècle se distinguent de celles du IIIe siècle par des modalités qui traduisent la qualité de la céramique : l'aspect de la pâte et le mode de traitement de la surface. Le test du X2 indique que les différences observées dans la répartition des modalités de chaque caractère entre les différentes périodes sont significatives, mais seulement à un niveau p=0.01. Certains caractères seront par conséquent indépendants de la chronologie.
C'est le cas par exemple de la forme du corps du vase pour laquelle on ne peut que noter l'absence de panses sphériques au Ier siècle. La forme du bord n'est pas plus significative, sauf pour les bords évasés ou rentrants qui ne concernent que les bouteilles du Ier siècle (points placés hors des limites du graphique, vers la droite). Le pied en couronne bas caractérise bien les bouteilles du Ier siècle. Par contre, seule la base étirée et élargie parait un peu plus fréquente sur les bouteilles du IIIe siècle. Le point d'attache de l'anse sur le milieu du col se rencontre plus souvent au premier siècle.
Le blanc au Ier siècle et le brun au IIIe siècle sont les deux couleurs qu'il est possible d'associer à une période. Le traitement de la surface oppose le Ier et le IIIe siècle par sa nature : engobe blanc sur les bouteilles du Ier siècle, couverte, brune ou rouge, sur celles du IIIe siècle. La surface brute s'applique davantage au IIe siècle. Les décors sont en nombre insuffisant pour donner lieu à des observations significatives. Notons simplement la présence du décor poli sur les bouteilles plus grossières du IIe siècle et de guillochis sur celles du IIIe siècle.
Les bouteilles du Ier siècle, en particulier de la seconde moitié, sont par conséquent bien individualisées par une pâte fine revêtue d'un engobe blanc, la présence d'un pied en couronne bas et le point d'attache de l'anse situé au milieu du col. Au IIe siècle, les bouteilles sont des récipients grossiers à surface brute avec parfois un décor poli. Au IIIe siècle, la qualité du travail s'améliore : pâte plus fine, généralement lissée ou revêtue d'une couverte, base étirée puis élargie, présence de quelques décors (baguettes, sillons, guillochis).
Comme pour les bouteilles, le nuage de points issu de la représentation des deux principaux facteurs de l'analyse des correspondances prend la forme d'un triangle d'où se détachent quelques points qui définissent les vases tripodes de la première moitié du Ier siècle. Sur l'axe 1, s'opposent les points correspondants au premier siècle et ceux correspondants aux IIe et IIIe siècle. Les différences portent sur trois caractères : la surface, la couleur et la forme du bord. L'axe 2 oppose surtout le IIIe siècle aux périodes antérieures. Le traitement de la surface et la direction des parois paraissent liés à cet axe. Le calcul du X2 montre que les différences observées sont très significatives. Le X2 total dépasse en effet très largement le seuil limite du niveau p=0.005.
Les parois du haut de la panse sont évasées au Ier siècle mais également au IIe siècle, en particulier sur les tripodes creusois. Ailleurs, elles se verticalisent au IIe siècle pour devenir légèrement rentrantes au IIIe siècle. Le bord triangulaire, très commune, n'apparaît qu'au IIe siècle. Auparavant, se rencontrent surtout des bords épaissis. A noter, au IIe siècle, quelques bords roulés et des bords rentrants. Ces derniers sont souvent associés aux tripodes creusois à parois évasées. Toutes les formes de bords se retrouvent au IIIe siècle sans que l'une ou l'autre ne soit dominante. Mis à part les pieds rentrants, un peu plus fréquents au Ier siècle, la direction des pieds n'est pas significative.
Les inclusions très grossières contenues dans la pâte caractérisent le IIe siècle. Les tripodes du Ier siècle, surtout de la première moitié, comportent essentiellement des pâtes fines. Au IIIe siècle, les pâtes renferment des inclusions de toutes dimensions ; seul le qualificatif "très grossier" est plus rare. Au Ier siècle la couleur noire est la mieux représentée ; se trouvent également des pâtes orangées associées à des revêtements micacés. Cette dernière couleur se rencontre également aux autres périodes avec une surface brute. Toutes les couleurs coexistent au IIe siècle avec un léger avantage pour le gris, le gris-bleu et la jaune. Par contre, le troisième siècle est marqué par les couleurs brique et brun. Le traitement de la surface, comme l'aspect de la pâte, témoignent du soin apporté à la qualité de la fabrication. La surface des tripodes du Ier siècle est lissée ou revêtue de mica ; au IIIe siècle, elle comporte une couverte dont la couleur varie de l'orange au brun. Au IIe siècle au contraire, la majorité des surfaces restent brutes. A l'exception des sillons qui soulignent l'emplacement des pieds, les décors des vases tripodes sont peu nombreux et ne donnent aucune indication chronologique.
Les vases tripodes du Ier siècle se distinguent par une pâte fine, des parois évasées terminées par un bord non triangulaire et des pieds en ruban. Les cuissons de type B donnent une couleur noire alors que celles de type A, associées à un revêtement micacé, tendent vers une teinte orangée. Au IIe siècle, les parois se verticalisent, sauf en Creuse où des parois évasées subsistent mais avec des pieds coniques et souvent un bord rentrant. Généralement, la pâte grossière et la surface brute témoignent d'un manque de soins apporté à leur fabrication. A partir de la fin du IIe siècle, apparaissent des tripodes plus soignés avec des parois verticales ou rentrantes. Beaucoup sont revêtus d'une couverte et peuvent posséder un décor guilloché.
Les analyses précédentes laissaient entrevoir, pour la plupart des catégories, une importante contribution des caractères techniques dans l'évolution de céramique. Afin de mieux cerner le phénomène, il a semblé intéressant de rechercher l'évolution de ces caractères pour toutes les céramiques datées, sans distinguer les catégories. Un des avantages de ce regroupement est d'ailleurs de pouvoir prendre en compte toutes les périodes, en particulier les périodes extrêmes souvent écartées en raison du faible effectif qui les composent. Il est ainsi possible d'obtenir une tendance de l'évolution de la céramique gallo-romaine et de pouvoir la comparer avec celle de chaque catégorie.
La représentation graphique des deux principaux facteurs montre que le nuage de points prend une forme en demi-cercle comme on pouvait s'y attendre. En effet, cette forme du nuage de points caractérise normalement une structure ordonnée (comme ici les différentes périodes chronologiques). Son tracé part du bas à droite, passe au-dessus de l'origine des axes puis redescend vers la gauche. Toutefois, à l'intérieur du nuage, les points relatifs aux époques ne s'ordonnent pas de façon logique. Un examen plus approfondi montre que les périodes extrêmes, en formant une boucle, jouent un rôle perturbateur.
Le premier facteur oppose les céramiques antérieures au début du IIe siècle aux autres. On peut le considérer comme le facteur de l'évolution générale. Le second facteur, traduit la qualité de la céramique : pâte fine et traitement de la surface vers le bas du graphique, pâte très grossière et surface brute vers la haut.
Les points correspondant au gallo-romain précoce sont isolés. Tout au plus peut-on dire que des céramiques grossières et non tournées s'y rencontrent.
Dans la première moitié du Ier siècle, ce sont au contraire les céramiques soignées qui dominent. Toutefois leurs modalités diffèrent de celles des céramiques du IIIe siècle. Leur seul point commun concerne la très petite dimension des inclusions de la pâte. Elles comportent une surface polie, généralement noire ou encore un engobe blanc.
Ces caractéristiques évoluent assez peu dans la seconde moitié du Ier siècle. Toutefois certains descripteurs deviennent plus fréquents ou apparaissent : décor à la molette ou à la barbotine, revêtement micacé.
Au IIe siècle se produit une brusque évolution qu'il est difficile de suivre car les céramiques étudiées appartiennent surtout à la seconde moitié. Toujours est-il que leur fabrication témoigne d'un manque de soins marqué par des pâtes grossières et des surfaces brutes. Les pâtes grise obtenues par simple réduction en fin de cuisson, s'opposent aux surfaces noires du premier siècle dues à un enfumage souvent associé à un polissage préalable. Les décors sont absents, à l'exception des lignes ou des zones polies qui sont généralement associées aux pâtes grossières et très grossières.
A la fin du IIe siècle une certaine qualité du travail réapparaît et se retrouve au IIIe siècle : la grosseur des éléments non plastiques contenus dans la pâte diminue (modalité "moyen" ou "fin"), une pellicule argileuse, souvent rouge, recouvre la surface qui s'orne parfois de guillochis et même parfois de décors gravés. Enfin, au Bas-Empire, se développent des vases grossiers non tournés. Par l'association de céramiques fines et grossières cette période rappelle la période gallo-romaine précoce. Toutefois, les descripteurs propres à ces périodes extrêmes ne peuvent guère être étudiés en raison du nombre réduit d'ensembles datés de ces époques.
En Limousin, l'étude de l'évolution des caractères technologiques des céramiques communes permet de définir trois grandes périodes qui font suite à une rupture dans l'évolution. Dès le Ier siècle av. J.-C., apparaissent des céramiques à pâte très fine, grise à surface noire (terra-nigra ou céramique grise fumigée). Cette céramique probablement importée de Saintes et d'Auvergne s'inspire de la céramique campanienne. Au début du IIe siècle, la qualité de la production se détériore brusquement. Cela se marque par la diminution du nombre des céramiques fines qui sont remplacées par des céramiques à pâte grossière ou très grossière. Plusieurs hypothèses, d'ailleurs complémentaires, peuvent contribuer à expliquer ce phénomène. Tout d'abord, l'abondance de céramique sigillée importée des ateliers ruthènes dès le milieu du Ier siècle, puis des ateliers arvernes au IIe, permettait de satisfaire les besoins en céramique fine. Ensuite, il est possible que certains ateliers qui produisaient des céramiques fines en aient progressivement abandonné la fabrication pour se consacrer à la production de sigillée. C'est probablement ce qui s'est passé à Lezoux ou les vases à parois fines ornées à la barbotine n'ont plus été exportés au IIe siècle. Enfin, les importantes différences morphologiques et techniques observées d'un lieu à un autre, particulièrement au IIe siècle, suggèrent, à cette époque, une multiplication des lieux de production. On utilisait alors l'argile locale, même si elle était de médiocre qualité. La troisième époque de rupture se place au début du IIIe siècle et correspond au déclin des ateliers arvernes. Apparaît alors une céramique qui, sans avoir la qualité de la sigillée, s'en inspire fortement tant par la couverte et la couleur que par le répertoire des formes. Progressivement, la production de la céramique commune redevient ce qu'elle était au début de notre ère : mélange de céramiques fines et grossières mais avec des formes et des techniques différentes.